Le Chemin des Dames — Note d’intention du metteur en scène

6 avril 1917. Depuis trois ans la France s’enlise dans une guerre dévastatrice : le général Nivelle a succédé à Joffre quelques mois plus tôt. Paul Painlevé vient d’être nommé ministre de la Guerre, après la démission de Lyautey. Robert Nivelle, le Général en Chef des Armées, a prévu d’attaquer le 16 avril au Chemin des Dames avec 800 000 hommes et 3 000 canons. Après une enquête approfondie sur le terrain, Paul Painlevé s’insurge contre ce plan, en accord avec quelques officiers et généraux, dont Pétain. Deux camps s’opposent. Le Landerneau militaro-politique est en ébullition. Au cours de la réunion proposée à la hâte par le président Raymond Poincaré, Paul Painlevé torpille le plan de Nivelle ! Son analyse argumentée met le général en chef en grande difficulté. Le Général Philippe Pétain qui travaille en sous-main à remplacer Nivelle, achève la démolition en démontrant que la stratégie de « l’offensive à outrance » va se briser sur les mitrailleuses allemandes. Nivelle perd pied. Il tente alors un coup de poker. Il donne sa démission. Poincaré, incapable de trancher, semble comme noyé dans son indécision. Nous avons situé l’action dans l’inconfort d’une salle de la gare de Compiègne. La réunion doit durer une heure. Il y a urgence. Ce qui m’a intéressé dans ce huis-clos, c’est l’incroyable virulence de la discussion dans laquelle politiques et militaires usent de mensonges, de chantage, de duels verbaux à la violence assassine, pour convaincre un président plus qu’hésitant. Les haines croisées de Painlevé, Nivelle, Ribot, Pétain, Poincaré, Micheler aboutissent… à la décision irréfléchie, prise contre toute logique par Poincaré : lancer, sans plus attendre, l’offensive du Chemin des Dames… joli nom pour un massacre qui fera 50 000 morts du côté français. L’horrible messe est dite. On rit souvent dans Le Chemin des Dames devant l’incohérence, l’amateurisme ou l’irresponsabilité de ces militaires et politiques, plus soucieux de leur carrière que du coût humain de l’opération. On songe aux décisions, pas si lointaines, prises par nos dirigeants, et le présent s’illumine soudain à la lumière de ces évènements passés. Yves Carlevaris